About this clown

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I often feel that we're all spinning slowly... like a mirror ball. Yes, we are all mirrors to each other. And so, it is the Light between us that I hope to help reveal and celebrate. /// J'ai souvent l'impression que nous sommes une boule disco qui tourne lentement. Nous sommes tous des miroirs pour les uns les autres. C'est donc la lumière qu'il y a entre nous que j'espère contribuer à souligner et à célébrer.

Saturday, January 27, 2018

Tous ces fleuves

Je dois accepter qu'il m'est impossible d'exprimer toutes les impressions.
J'accepte que cette fois-ci, c'est dans le silence que s'opèrent les transformations.
J'observe encore de mon oeil politique les grandes églises édifiées en d'autres temps, les graffitis comme des balafres criant: ''il y a toujours de la vie ici!''. Ces villes historiques. Étroits passages, murs élevés, aux abords de tant de fleuves nourriciers. 
Prise entre les temps et l'apprentissage du moment. J'accepte.






Je me suis baignée nue dans une source thermique naturelle adjacente au Rio Grande.

 Au Nouveau-Mexique, au Texas et en Oklahoma, on prône la déregulation complète du port d'arme. Les panneaux le long de l'autoroute culpabilisent les femmes qui songeraient à recourir à l'avortement. Le conservatisme américain... in our face.



Notre sympathique covoitureur, Michael le gypsy sailor, nous raconte qu'il vit sur son voilier, dans une marina située à Oakland (Caflifornie). Il vit libre, sans carte de crédit, et gagne sa vie en tant que mécanicien et livreur de bateaux. Il ne porte plus de chaussures depuis près de dix ans, sauf lorsque cela est requis. Nous le déposons chez sa soeur, dans l'Oklahoma, et passons la nuit dans la chambre d'amis.


La route 66 est ponctuée de station-essence-boutiques, qui vendent toutes les mêmes souvenirs pacotilles. Qu'est-ce que le roadtrip aujourd'hui sinon la tentation répétée du consumérisme? La lutte contre le cynisme est énergivore et il s'avère pratiquement impossible de manger de la vraie nourriture pour retrouver des forces.

Les Grands-Lacs sont là. Chicago, Détroit, Hamilton, Toronto. Nous sommes passées trop vite, bien entendu, pour daigner affirmer qu'on pourrait connaître l'âme et le pouls véritable de chacune de ces villes. 
Plaques tournantes industrielles et culturelles, autrefois ou encore ou en rémission. Des coeurs battants : systole, diastole, systole... Et aux Grands-Lacs se rattache cette artère fluviale que les québécois.es connaissent bien: le fleuve Saint-Laurent.  
J'aurais aimé demeurer plus longtemps et mieux faire l'expérience de ce Détroit en rémission; parcourir ses jardins urbains, ses restaurants végétaliens, et ses manifestations d'art populaire et communautaire. 
Ce sera pour un autre périple!


De l'autre côté de l'Atlantique nous découvrons Galway. Son fleuve, le Corrib, ne fait que 6 kilomètres mais il est l'un des plus puissants d'Europe. En Irlande, l'humidité de décembre creuse ses dents jusqu'à la moelle de mes os. Je lutte pour m'adapter au climat et au décalage horaire; je découvre les vertus du ginseng.  J'essaie de lire James Joyce dans sa langue natale; mais je n'ai plus l'habitude de lire des romans, et les subtilités de ce vieil anglais irlandais m'échappe. No crac.

Un soir, nos oreilles nous attirent dans ce bar quelconque du quartier Shantalla où a lieu un rassemblement de musiciens locaux. Ils sont une dizaine: quatre violons, deux accordéons, deux guitares, une flûte... que du plaisir!



En Bretagne, ce sont les eaux de la Manche, déchaînées, qui nous remuent.  On se retrouve en famille pour traverser les sombres journées du plus creux d'un autre hiver. On mange et on boit ensemble, suivant la tradition. On se conforte, on se confronte. L'air salin nous appelle vers l'heure où le soleil se couche: c'est la saison des grandes marées. Sous la lune montante, les familles bretonnes s'attroupent aux abords de la puissante mer. Nous sommes si petits. Les vagues, quoique parfois plus impetueuses que d'autres, sont éternelles. 


Puis je m'envole pour Pise pour y prendre le train en direction de Pontedera. Là-bas, c'est le ''fleuve Butoh'' qui m'accueille. C'est un affluent métaphorique, certes, mais c'est un véritable courant!
  
Ah! Mon amour de butoh! Tellement indicible... et c'est justement en ça qu'habite tout le sens de notre relation. Je cherche, dans ma pratique butoh, à m'immerger entière dans la ''réalité totale''.  Cette réalité comprend toutes les dimensions de l'existence, du big bang aux appels de mon imagination en passant par tout ce qui nourrit l'inconscient collectif. 

Cette réalité, je l'invite et l'explore grâce à mon corps, mon énergie vitale, et ma concentration.  Je sonde et m'émerveille de tout ce qui palpite et respire sous ma peau, de tout ce que mon esprit peut projeter de poésie dans l'espace qui m'entoure.  Ce fleuve est immense et lorsque je m'y baigne j'ai le sentiment de danser avec ce qu'il y a de plus vrai au monde: la conscience du Tout. Cela m'émeut, cela m'inspire. 




Aisément, les rives de l'Arno m'ont permis d'opérer la transition hors de ma butoh-bulle. Florence, berceau de la Renaissance, a en effet de quoi ravir et faire renaître les sens!  
D'abord il y a la nourriture: fière et fraîche. (En y songeant, ce n'est pas un hasard si le mouvement ''Slow Food'' a vu jour en Italie.) Il y a aussi l'omniprésence de la mode, des souliers et des sacs de cuirs. Les florentin.es aparaissent toujours si bien sapés qu'on n'en vient presque à avoir honte de ne pas arborer au moins mille Euros de fringues. Non je blague, je n'avais pas honte. Je mentirais à vous dire que mes yeux n'apprécient pas le défilé.

Naturellement, mon esprit s'affaire à chercher une clé dans le phénomène, dans l'histoire. Car ce qui a vu le jour avec la Renaissance semble aujourd'hui approcher une crise irrémédiable.  Je pense à l'avénement des professions libérales, du capitalisme, des corporations. Je pense aux banquiers, aux médecins, aux avocats et aux chefs de multinationales. Ceux qui ont jadis remplacés les seigneurs et le clergé sont aujourd'hui au pouvoir! Et comme jadis, ils en abusent trop souvent.
Ainsi, autant le flot historique qu'on nomme le Moyen-Âge s'est-il transmuté, comme en une chûte, pour faire place à des âges radialement différents, autant il me semblerait possible de voir l'ère actuelle faire place à d'autres moeurs, à d'autres valeurs, et à d'autres manières de concevoir le monde et notre place en celui-ci. 
L'histoire parfois me donne espoir.




Or, puisque le débit de mon compte en banque s'écoule à sens unique depuis plusieurs mois, et puisque que le prix d'un logis s'avère très cher lorsque réglé à la nuité, nous avons choisi d'éviter la région Toulousaine (ah! La belle Garonne!) et d'en profiter pour vivre une nouvelle expérience linguistique et culturelle: Porto.

Nous voici donc près du Douro, à galvauder un portugais mi-espagnol et mi-brésilien et à s'emplir les pupilles de mille et une vista architecturales : des tuiles de céramiques sur tous les murs! Des murs... qui ne sont pas toujours en très bonne condition. Des édifices à l'abandons, d'autres en pleine rénovations. 

Il serait certainement naïf de m'essayer à un portrait de la situation économique de l'endroit. On sait très bien qu'il se passe quelque chose au Portugal. Destination de voyage # 1 l'année dernière; le phénomène est indéniable. Je veux bien reconnaître que j'y prends actuellement part. 
Mais est-ce que le tourisme peut être une bonne chose?

Partout, cette année, on nous a raconté qu'un nombre grandissant de propriétaires préfèrent louer leurs appartements en AirBnB plutôt qu'à des tenanciers locaux. Les prix des loyers grimpent. Les esprits entrepreneurs visent les clientèles friquées qui ne sont que de passage. À quel point cela peut-il être bon pour les économies locales? J'aimerais lire sur le sujet, engager la conversation.

J'aimerais bâtir des ponts. 

''Les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts.''

- Isaac Newton